TRAVERSEE
Qu’a pu voir le poète au départ du navire Pourquoi donc s’est-il tu, n’a-t-il voulu rien dire aux pauvres Ougandais, Soudanais, Éthiopiens bousculant leur destin, acharnés – peur de rien – embarqués vers l'espoir d'un meilleur lendemain. Dans la nuit, on les entend courir, haleter, traqués – Le garde les devine et les met en joue – Muraille ou barbelés – le coup part. Il s'affaisse. A l'aube, on poussera le fuyard dans le trou. Un autre s'est tapi dans le noir… L'angoisse est bien trop vive, elle ne sous-tend plus rien : plus d'élan ni de foi ; il revoit tous les siens lui dire adieu, l'envier un peu. Et, terrassé par la peur, les regrets, il attend, harassé. Silence de la nuit. Regard exorbité. Le pick-up a filé vers l'horizon lugubre. Sous la bâche, des relents de chair insalubre, d'humain rance et soumis, à jamais résigné, masses noircies, cognées – t'es foutu, t'as payé. De désert en fr...